L’amour à corps et à cris via les réseaux

La vie sentimentale a t-elle sa place sur les réseaux ?
La solitude sentimentale, le célibat prolongé ont toujours été des recherches qui peuvent parfois s’apparenter à une recherche initiatique. Cette étape de vie est régulièrement accompagnée en psychothérapie. Au coeur de ce parcours spécifique à notre situation humaine, est venue se greffer la fonction très pratique et particulière des réseaux de rencontres.

Suite à une période régulière de l’usage de ces réseaux, de nouvelles situations psychologiques apparaissent. Ce qui frappe dans l’évaluation des situations de ces nouveaux célibataires, c’est le décrochement avec une forme de sincérité, une difficulté à s’abandonner et une forme d’indifférence au niveau des sentiments. Le sentiment amoureux s’est protégé et il s’en trouve anesthésié. Souvent ces personnes ne savent plus ce qu’elles recherchent exactement. Des cicatrices morales, liées à la surabondance des interactions,  ont déformées le sens profond de leurs besoins d’intimité. La quête de l’amour est un abandon à l’autre qui fait peur. Il il y a souvent une confusion entre l’affectivité sincère et les pulsions dictées par cette peur.

En réalité, que l’on le veuille ou non, il est compliqué de sortir indemne de ce type d’exploration relationnelle. Elle laisse des traces. Cela peut s’expliquer par des critères psychologiques et grâce à la connaissance de la personnalité. Mais ils sont aussi grandement induits par l’essence même des facteurs structurels et fonctionnels des réseaux :

  • Les facteurs structurels :
  1. Lorsque l’on utilise un outil de communication virtuel, l’on est nécessairement dépassé par les lois de l’outil de communication ( le référencement des annonces n’a rien à voir avec la valeur réelle des personnes). Le niveau de sincérité des autres n’est pas palpable ( dans le monde virtuel, tout est fantasmé ou interprété).
  2. L’animation des algorithmes des réseaux est calqué sur le modèle de sites de marchandises. La relation humaine est-elle une marchandise ? taille, poids, critères de beauté etc ? Faut-il remplir un panier pour rencontrer l’âme soeur ? C’est un sujet de réflexion en soi.
  • Les facteurs fonctionnels :
  1. Un paradoxe psychologique apparaît. Il est clivant : les sites dédiés aux contacts donnent la possibilité de rencontrer dans l’intimité beaucoup de personnes, mais c’est comme si la reconnaissance de ce que l'on est n’opérait pas : c’est virtuel.  On s’en sort très seul ou isolé. Ce cycle est animé par les systèmes numériques pour apporter toujours de nouvelles consultations. Il est établi que le nombre de rencontres peut aller bien au de la de 50 personnes. C’est addictif.
  2. La quête sentimentale peut rarement aboutir à un enrichissement personnel au niveau de l’intimité. Lorsque l'on recherche l’âme soeur, il s’agit bien d’un abandon et de se sentir intime avec l’autre. Or, via les réseaux, rien n’est intime : c’est l’essence de ce système. Ce procédé de communication peut apporter des perturbation clivantes auprès des personnalités fragiles, surtout si il n’est pas conforme au départ à leurs valeurs ou si elles sont endeuillées par une séparation.
  3. Enfin, lorsqu’une belle rencontre peut s’établir, elle sera rapidement entachée par le flux de la jalousie. En effet, lorsque deux êtres sont réellement amoureux et engagé dans une relation durable, les fantômes des expériences démultipliées peuvent briser une belle aventure. Souvent une personne du binôme reste en contact avec son réseau. Des conflits naissent, des souffrances sont fortes et tout cela pour «  des relations qui n’étaient pas importantes ». Parfois, on préfèrera saboter  une relation saine, car un sentiment de honte ressurgit.


La pratique psychothérapeutique offre des ressources pour comprendre et analyser une étape de célibat. C’est le lieu idéal pour évoquer l’intime. Si vous êtes seul-e, l’origine vient-elle de l’éducation, d’un traumatisme, d’un choc sentimental, d’une vision trop magique du couple ? Beaucoup de critères sont possibles et uniques à chacun. En les étudiant on ouvre une voie affective, un lâcher-prise pour une rencontre authentique avec soi, avant d’aller à l’autre. La thérapie est un combat pour être heureux, se sentir conscient et exister, prêt à l’accueil de l’autre. c’est se travail d’éveil qui permet de ne pas retrouver toujours les mêmes échecs sentimentaux.

On peut rester réfractaire à cette analyse tout en restant attaché à cette réalité. Dans la vie rien n’est magique, la solitude ou l’errance sentimentale ne sont pas le fruit du hasard. Il n’y a rien à perdre à tenter de comprendre son origine, car la rencontre amoureuse suppose un abandon total de son être pour l’autre : un lâcher-prise au flux de la vie et de l’amour qui la porte. À contrario, la quête obsédante de l’autre via les réseaux n’est pas une ouverture, c’est un contrôle, voire une forme d’égoïsme : on se fait plaisir, celui de l’autre n’a pas de place.  Nous voyons bien ici que ces deux dynamiques sont antagonistes.